Le découpage historique du Japon

Publié le : 01 novembre 201818 mins de lecture
xDès que l’on compare une culture contemporaine à celles d’autres pays, elles sont différentes. Il en va de même pour les ères historiques et les termes y associés. Je m’explique : en Europe, nous avons l’habitude de parler du Moyen-Age, des Temps Moderne et d’encore bien d’autres termes qui nous sont familiers ou qui n’évoquent que de vagues souvenirs d’école. Mais qu’en est-il pour le Japon ? Il va de soi que ces périodes historiques ne sont pas les mêmes. Néanmoins, contrairement à nous, les mots qui y font référence sont bien plus familiers dans la vie des japonais que dans la nôtre. En effet, nombre de ces termes reviennent dans les mangas, drama ou autres films, et comme vous pourrez le constater si vous êtes même ne serait-ce que débutant dans l’univers du Japon, chacune de ces expressions vous semblera étrangement familière.

 

Au commencement le peuple vivait de paroles orales : la préhistoire.

Bien évidemment, les anciennes périodes ne croulent pas sous les témoignages, ce qui rend le travail de narration d’autant plus délicat si l’on ne veut pas paraître trop scolaire. Ainsi, la première période connue dans l’esprit collectif est celle dite « Jômon » (environ de 10 000 av JC à 300 av JC) ou « motif cordé ».  Celle-ci est célèbre pour avoir vu apparaître l’art de la poterie dans le Sud Ouest du Japon actuel. D’après certains scientifiques, il s’agirait même de la première trace de poterie sur Terre. A l’époque, les ancêtres des japonais vivaient de la chasse, de la pêche et de la cueillette. De prime abord nomade, la population se sédentarise à la fin du Jômon, ouvrant grande la porte de la période suivante, celle du «  Yayoi », et non « yaoi » comme beaucoup aime se tromper ! D’environ 300 av JC à 300 ap. JC, le peuple, sédentarisé, s’organise et développe l’artisanat. C’est à ce moment là, que la culture du riz est introduite au Japon par la Corée.q

La période suivante, « Kofun » est l’une des premières subtilités nippones car elle chevauche les périodes qui vont suivre, et ce, jusqu’au VIIIème siècle.  Cette période est symbolisée par les fameuses « Kofun », ou grandes tombes. Ces sépultures, vues du ciel, ressemblent à des serrures de porte. A noter que leur usage funéraire n’a jamais réellement été démontré… Le Japon porte alors le nom de « Yamato », en hommage à la province homonyme qui se situait vraisemblablement vers le Kansai (Kyôto, Osaka). La population est divisée en clans. Toutefois, une royauté se développe avec Nintoku à sa tête, qui va renforcer son pouvoir en utilisant la mythologie pour justifier de son titre suprême.

Des récits oraux à la traces sur le papier : le basculement vers l’histoire.

L’entrée dans l’histoire se fait au VIème siècle avec l’Antiquité « Kodai ». Comme en Europe, chaque ère est divisée en période, il en est de même au Japon. Ainsi, l’Antiquité commence avec la période « Asuka » (environ 538 à 710). Cette période clef dans l’histoire du Japon se particularise par l’influence de la Corée : le bouddhisme, le confucianisme et l’écriture chinoise sont introduits petit à petit dans la société. Le nom le plus connu de cette période est sans nul doute le prince Shotoku Taishi, régent de l’impératrice SuikoShotoku Taishi va publier « la constitution des 17 articles », texte de loi d’inspiration confucéenne, promulguant le Bouddhisme.  La construction des grandes tombes s’arrête : c’est le début de la sinisation (influence de la civilisation chinoise). A cette époque des émissaires sont mêmes envoyés en Chine, le Japon se décrivant alors comme le pays du soleil levant, face au pays du centre (la Chine). En réponse à la venue des émissaires, la Chine envoie une lettre qui débute par le terme « Wa » pour parler des japonais. Ce terme désignerait « lointain », « docile » ou bien,  « petit », en somme des mots péjoratifs. En parallèle à cette ouverture à la Chine, le Bouddhisme continue de se développer à la Cour et les clans, ces derniers étant toujours présents même si le pays est unifié.

Après la fin de la période « Asuka », le nom des périodes sera donné en fonction de la ville où siégera le pouvoir du pays.  Ainsi, en 740, la capitale est déplacée à Nara et marque la période « Nara » (740 à 794). La sinisation étant toujours aussi forte, la ville de Nara elle-même sera construite sur le plan chinois, autrement dit en damier. De très nombreux temples seront édifiés à cette époque, ainsi que le « Daibutsu de Nara » : le Grand Bouddha de Nara, qui est encore présent dans la ville aujourd’hui. La Cour s’amuse à créer des poèmes de différentes formes : tanka ou encore waka. A noter qu’un recueil de 10 000 poèmes : « man.yoshû » est compilé, jetant la base des prémices de l’écriture japonaise actuellement utilisée. Toutefois, la capitale subit plusieurs inondations et incendies meurtriers, si bien que la Cour décide de quitter « ce lieu qui porte malheur ».
Le transfert de capital et l’ouverture de l’ère féodale

La capitale est donc transférée à quelques kilomètres de là à Heian, soit l’actuelle ville de Kyôto, ainsi s’ouvre la « période Heian » (794 à 1185). L’empereur prend place dans cette ville et y restera jusqu’à la fin de l’époque moderne. La première partie de la période « Heian » est un moment de paix dans l’histoire nippone. L’empereur développe les relations avec la Chine, des étudiants chinois venant même étudier au Japon. Les Fujiwara, l’un des clans les plus importants, prennent de plus en plus d’importance, mais c’est aussi le cas de la famille des Taira et des Minamoto. Les femmes de la famille Fujiwara, avides de poésie, vont écrire de nombreux récits dont le plus connu est le « Genji monogatari » : « Le Dit du Genji ». Cet ouvrage, en plus d’être le plus vieux roman de l’histoire mondiale qui nous est parvenu, est aussi la première trace de l’apparition des kana, les femmes ne pouvant écrire en kanji. Ces kana sont la base des kana actuellement utilisés. Malgré ce développement des arts, les tensions à la cour se font de plus en plus présentes, l’empereur se retire peu à peu du pouvoir, l’application de la bureaucratie chinoise n’a pas réussi à s’imposer, et les différents clans gagnent énormément en puissance…Il n’en fallait pas plus pour que les conflits éclatent de nouveau….

Et marque le passage à l’ère « Chûsei » soit, le Moyen-Age ou encore, l’époque féodale. Les Minamoto, basés à quelques kilomètres de Tôkyô dans une ville appelée Kamakura, sont devenus le clan le plus important grâce à leur victoire sur les Taira. En 1185, Minamoto no Yoritoma se fait nommer shôgun (chef guerrier) et fonde le «Kamakura bafuku » soit le « gouvernement sous la tente de Kamakura ». Il s’agit de la période « Kamakura » (1185 à 1333) Dès lors, le gouvernement est tenu par les guerriers et la société japonaise va s’organiser selon ce pouvoir. Toutefois, ce pouvoir tenu par les militaires ne plait pas à tout le monde. Une tentative de restauration de l’empereur sur le trône échoue, mais fera perdre aux Minamoto leur influence au profit des Ashikaga.

Ces derniers prennent l’ascendant, et son chef se fait sacrer shôgun par l’empereur. Ainsi, le pouvoir des Ashikagaouvre la période « Muromachi » (1335 à 1573), nom d’un quartier de Heian (Kyôto) où les Ashikaga habitaient. Cette période est caractérisée par la perte du pouvoir du Shôgun au profit des seigneurs locaux ou Daimyô. Un nouvel art est crée à cette époque : le , art théâtral toujours joué de nos jours. Ainsi, pour ses représentations, deux célèbres temples sont édifiés : le Pavillon d’Argent et le Pavillon d’Or, ce dernier étant réellement recouvert de feuilles d’or. La fin du Muromachi est marquée par l’arrivée de Saint François Xavier au Japon et l’introduction du Christianisme, qui restera malgré tout une religion en retrait.

La période suivant est sans doute l’une des plus connues grâce à ses nombreuses citations dans les mangas et les jeux vidéos. Oda Nobunaga, Toyotomi Hideyoshi, Tokugawa Ieayasu, vous disent quelques chose ? Il s’agit des principaux protagonistes de la période « Azuchi Momoyama » (1575 à 1600), qui porte le nom des châteaux de Nobunaga et de Hideyoshi. Durant ces années, le seigneur de guerre Nobunaga se lance dans la conquête du pays afin de l’unifier, s’alliant avec HideyoshiNobunaga signe d’écrasantes victoires grâce à l’utilisation d’une nouvelle arme : le mousquet. Néanmoins, au décès du seigneur, Hideyoshi reprend son flambeau mais fait battre par les forces de Tokugawa lors de la célèbre bataille deSekigahara en 1600. Cette victoire d’Ieyasu Tokugawa marque la fin de l’époque féodale.

 

Les temps modernes

Le Japon, unifié par les Tokugawa, entre dans l’ère « Kinsei » ou « les Temps Modernes ». Ieyasu Tokugawa installe son pouvoir àEdo (Tôkyô) et instaure l’Edo Bakufu soit « le gouvernement sous la tente d’Edo » (1603 à 1868). L’arrivée au pouvoir des Tokugawa marquent un changement radical. Le Japon ferme ses portes aux étrangers, craignant une colonisation. Seuls les chinois et les néerlandais peuvent accoster l’archipel. Mais cette autorisation n’est valable que pour le port de Dejima. Malgré ce cloisonnement du pays, le Japon n’en est pas pour autant coupé du monde, et ce grâce aux marchands, qui importeront des ouvrages scientifiques de l’époque, traduits en Japonais. Par ailleurs, une véritable communauté de commerçants et d’artisans se dynamisent et créent une culture populaire.

Le Shogunat détient un ferme contrôle sur les Daimyos en les obligeant à vivre à Edo pendant un an, puis à retourner dans leur fiefs, alors même que leurs femmes et enfants sont pris en otages à Edo et ne peuvent y bouger. En parallèle, le Christianisme se voit interdit et vivement réprimandé. La Cour, elle aussi, est sous la domination du Shôgun, et les principaux tenants du pouvoir sont des personnes issues de rangs guerriers. Grâce à ce contrôle fort, le Japon ne connaît pas de guerres pendant quasiment deux siècles. Cependant en 1852, la situation change avec l’arrivée sur l’archipel du Commodore Perry, détenant une lettre du Président des Etats-Unis ordonnant l’ouverture du pays. Un moment de trouble prend place dans le pays où différentes idéologies se répondent. Certains sont partisans de « restauration de l’empereur, expulsion des barbares » ; d’autres pour le maintien du Bakufu. De nombreux combats ont lieux : tentatives de restauration de l’empereur échouées, répressions contre les fiefs dissidents, … Au final, l’union entre les fiefs de Satsuma et Chôchû (actuelles préfectures de Kagoshima et de Yamaguchi) renverse le bakufu, restaure l’empereur et met fin à la fermeture du pays. Cette ouverture officielle sur le monde extérieur marque le début de l’ère « Kindai » ou « Epoque moderne ». A partir de là, le nom et la classification des périodes change, un nom étant donné pour chaque règne de l’empereur.
L’époque…moderne

L’empereur Mutsuhito reprend la tête du pays et Edo devient Tôkyô (la capitale de l’Est). Ce fait marque le début de la période dite Meijiou « la politique éclairée » (1868 à 1912).Le Japon est en constante recherche d’une modernisation afin de « rattraper l’Occident ». Ainsi, tous les rangs instaurés par les Shôguns sont abolis, le gouvernement n’est plus militaire mais revient à une monarchie parlementaire garantie par une constitution. L’école primaire devient obligatoire pour les enfants, le yen devient la monnaie de l’Etat et les voies ferroviaires sont construites rapidement. L’idée d’une force japonaise naît et le Japon est renommé « L’Empire du Japon ». Toutefois, cette volonté hégémonique provoquera deux guerres entre le Japon et la Chine, puis avec la Russie. Néanmoins, cette période se ferme lors du décès de l’empereur en 1912, où il prend le titre posthume de « l’empereur Meiji ».

Le fils de l’empereur Meiji prend alors la suite, et Yoshihito devient le nouvel empereur de la période « Taishô » ou « grande justice » (1912 à 1926). La  démocratie de Taishô devient plus forte et le pays connait un boom économique grâce au commerce effectué durant la première guerre mondiale. A la suite du Traité de Versailles, le Japon reçoit plusieurs possessions allemandes qui se trouvent en Chine, accroissant ainsi son influence sur les autres pays asiatiques. La période Taisho est marquée par le grand incendie de septembre 1923 qui a ravagé les villes de Tôkyô et Yokohama où l’on dénombra au moins 160 000 décès. L’empereur décède à 47 ans. Son décès clos la période Taisho et il se voit offrir le titre posthume « d’empereur Taisho ».

Le fils de l’empereur Taisho, Hirohito, montre sur le trône en 1926, marquant le début de la période Shôwaou « paix éclairée » (1926 à 1989). La première partie de cette période est dominée par la montée du nationalisme japonais, qui aboutira à l’envahissement de la Manchourie par les armées japonaises en 1937. Puis, le Japon rejoindra l’alliance Allemagne-Nazie et Italie-Fasciste lors de la Seconde Guerre mondiale. Le conflit s’achèvera en 1945 par l’explosion de deux bombes nucléaires sur Hiroshima et Nagasaki. L’empereur, commandant en chef des armées, aurait dû être trainé en justice mais les Américains pensaient que la disparition de ce symbole du pays risquait de créer un ennemi encore plus puissant. On décida donc de laisser Hirohito à la tête du Japon. Une nouvelle constitution sera ratifiée, où l’empereur perdra sa figure de Dieu vivant, et où le pays renoncera à son corps militaire. A la suite de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis occupent le Japon pendant 7 ans afin de moderniser le pays. En 1956, le Japon est admis à l’ONU. En 1978, le Japon et la Chine signent un traité de paix et d’amitié, mais certaines closes n’étant pas reconnues par le Japon, elles seront souvent la cause des tensions entre les deux pays. En 1989, s’achève le plus long règne d’un empereur japonais, Hirohito qui vient de décéder, devient alors l’empereur Shôwa.

Et maintenant ? Maintenant, nous sommes dans la période dite «  Heisei »  ou « la paix accomplie » avec l’empereur Akihito.  Période pour l’instant marquée par son instabilité politique. En effet, rares sont les premiers ministres qui sont restés au pouvoir plus de quelques mois. Noda Yoshihiko, l’actuel premier ministre, est la dix-septième personne à tenir ce rôle et ce, depuis 1989 ! La période Heisei est déjà devenue bien tristement célèbre car marquée par deux grands séismes, celui de Kobe en 1995 et celui du Nord-est de mars dernier. Espérons que la suite du règne d’Akihito sera plus bénéfique pour le Pays du Soleil Levant.

 

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